Hadrien Flamant avocat logo

Football - Purge des suspensions
et changement de club

Publié le
Par Hadrien Flamant

Le juge administratif affirme de nouveau le principe de proportionnalité des sanctions sportives, clarifie et modère l'application des règles posées par la FFF, dans le cas d'un changement de club du joueur concerné.

Cour administrative d'appel de Paris, 5 février 2025, n°2PA01256

Au cours de la saison 2021-2022 du Championnat de National 2, la commission fédérale de discipline de la FFF a prononcé à l'encontre d'un joueur, qui évoluait en championnat National 2 au sein de l'équipe réserve d'un club de Ligue 1, une suspension d'un match pour récidive d'avertissements.

Cette sanction prenait effet à compter du 23 mai 2022.

En conséquence, le joueur ne disputait pas la rencontre du 28 mai 2022 opposant l'équipe réserve en question, à une autre équipe de son championnat.

Le 7 juillet, le joueur était transféré vers un club tiers, évoluant à l'échelon supérieur (National 1).

Le 12 août 2022, lors de la première journée de championnat National 1, le joueur était aligné au sein de sa nouvelle équipe, qui remportait la rencontre.

Le 14 août 2022, les adversaires formaient une demande d'évocation auprès de la commission fédérale des règlements et contentieux de la FFF, mettant en cause la participation du joueur à la rencontre, malgré la suspension prononcée à son encontre le 19 mai 2022.

Par décision du 7 septembre 2022, la commission fédérale des règlements et contentieux de la FFF, après avoir relevé que si le joueur avait bien purgé un match de suspension avec l'équipe réserve de son ancien club, il n'avait en revanche purgé aucun match de suspension en équipe première, que ce soit avec son club d'origine ou avec son nouveau club. Elle a alors considéré que le joueur était en état de suspension le jour du match.

Ladite commission infligeait donc pour le club une pénalité d'un match perdu, une perte d'un point au classement. A l'encontre du joueur, elle infligeait la sanction ferme d'un nouveau match de suspension.

Le club interjetait appel auprès de la commission supérieure d'appel de la FFF, qui confirmait la décision de 1e instance.

Conformément aux dispositions des articles L. 141-4 et R.141-5, le club saisissait alors le CNOSF afin de mettre en œuvre la procédure de conciliation, préalable obligatoire à la saisine du juge administratif.

Le conciliateur proposait à la FFF de rapporter sa décision.

Cette proposition était refusée par le comité exécutif de la FFF. Le tribunal administratif de Paris était alors saisi par le club.

Dans un jugement du 6 octobre 2022, le juge administratif annulait la décision de la commission supérieure d'appel de la FFF.

Un appel était interjeté par la FFF.

Cette dernière arguait notamment du fait :

- Que le moyen d'annulation retenu par les premiers juges n'avait pas été soulevé par le demandeur, de sorte que le jugement attaqué était entaché d'irrégularité ;

- Que le jugement rendu par le tribunal administratif de Paris était dépourvu de motivation ;

- Que les premiers juges ont procédé à une interprétation erronée des règlements généraux de la FFF ;

- Que la sanction prononcée à l'égard du club demandeur n'est pas disproportionnée.

De son côté, le club soulevait de manière particulièrement pertinente les moyens suivants :

- La décision attaquée (rendue par la commission supérieure d'appel de la FFF) méconnait l'article 226 des règlements généraux de la FFF ;

- La sanction est illégale en raison de l'illégalité de l'article 226 des règlements généraux de la FFF en ce qu'ils méconnaissent l'objectif à valeur constitutionnelle d'intelligibilité et de clarté de la loi ; elle méconnaît le principe de « non bis in idem » ; elle est entachée d'une rupture d'égalité ; elle est disproportionnée ; elle traduit une violation du principe d'impartialité et d'indépendance de l'instance supérieure d'appel ; la sanction, en ce qu'elle est automatique, méconnaît le principe d'individualisation des peines et est manifestement disproportionnée au regard des faits ;

- L'article 226 tel qu'interprété par la commission supérieure d'appel de la FFF méconnaît le principe de légalité des peines et le principe de nécessité des peines.

La Cour administrative d'appel de Paris procédait dans un premier temps à un rappel des règles applicables en matière de purge de suspension.

Il convient à ce stade de retenir le principe essentiel prévu à l'article 226 des règlements généraux de la FFF :

« Le joueur exclu par l'arbitre ne peut pas purger sa suspension avec une autre équipe de son club le jour même ou le lendemain de son exclusion. À compter du surlendemain de l'exclusion, la suspension d'un joueur doit être purgée lors des rencontres officielles effectivement jouées par l'équipe au sein de laquelle il reprend la compétition, même s'il ne pouvait y participer régulièrement (…) Le joueur ne peut être inscrit sur une feuille de match avec une autre équipe de son club tant qu'il n'a pas purgé la suspension au regard du calendrier de cette dernière (…). En cas de changement de club, la suspension du joueur est purgée dans les équipes du nouveau club selon les modalités précisées au présent alinéa. Les matchs pris en compte dans ce cas sont les matchs officiels disputés par les équipes de son nouveau club depuis la date des faits de la sanction et ce, même s'il n'était pas encore qualifié dans ce club ».

Il convient donc de retenir la règle essentielle selon laquelle la purge de la suspension doit prendre en compte les rencontres officielles jouées par l'équipe au sein de laquelle le joueur reprend la compétition.

La juridiction d'appel rappelait ensuite les dispositions de la circulaire du 11 juin 2008 relative à la modification du mécanisme de purge des suspensions :

« Un joueur sanctionné peut reprendre la compétition avec n'importe quelle équipe de son club (équipe première, équipes inférieures, équipes d'une autre catégorie d'âge dans laquelle il est autorisé à participer), sous réserve d'avoir purgé sa sanction au cours des matchs officiels de cette dernière et ce quelle que soit l'équipe dans laquelle il a été sanctionné. /Toutefois, la purge par un joueur dans l'une des équipes de son club et le fait qu'il ait repris la compétition avec cette équipe, ne le dispensent pas, s'il veut jouer avec une autre équipe, de devoir purger également au cours des matchs officiels de cette dernière. / Un joueur suspendu doit donc, avant de reprendre la compétition avec chaque équipe dans laquelle il est susceptible d'évoluer, vérifier que cette équipe a bien joué le nombre de matchs officiels équivalent au nombre de matchs de suspension qui lui a été infligé ».

De l'avis des différentes commissions de la FFF, le joueur était donc toujours en état de suspension lorsqu'il disputait son premier match avec son nouveau club, dès lors que la sanction n'avait pas été purgée au regard du calendrier de sa nouvelle équipe.

En effet, le joueur n'avait pas pu, en raison de sa suspension, participer au dernier match de la saison de l'équipe réserve avec laquelle il évoluait. Dans le même temps, l'équipe qu'il rejoignait ensuite n'avait joué aucun match entre la date de prise d'effet de la sanction et le jour où il était inscrit sur la feuille de match lors de la rencontre litigieuse.

Selon la FFF, un joueur ne peut jouer dans une équipe, quelle qu'elle soit, qu'après que la suspension ait été purgée au regard du calendrier de ladite équipe, et ce alors même qu'elle l'aurait déjà été au regard d'une autre équipe (i.e. celle dans laquelle il joue initialement).

La Cour rappelle à juste titre que l'application de cette règle a notamment pour objet de s'assurer de l'effectivité de la sanction (en évitant que le club du joueur le fasse jouer occasionnellement dans une autre équipe le temps que sa suspension soit purgée au regard du calendrier de la nouvelle équipe).

Cela étant, elle estime que la décision en l'espèce a eu l'effet de transformer la sanction d'un match en une sanction de deux matchs de suspension.

Cette sanction était ainsi infligée, selon la cour, en méconnaissance du principe de proportionnalité des peines qui découle du principe de nécessité des peines garanti par l'article 8 de la DDHC de 1789.

Par ailleurs, la Cour souligne que le quantum de la sanction ne saurait dépendre des conditions dans lesquelles elle est concrètement appliquée sans méconnaître le principe d'égalité devant la règle répressive.

La Cour administrative d'appel confirme donc l'annulation de la sanction et fait droit aux conclusions du club.

Le juge administratif vient donc par cet arrêt affirmer de nouveau le principe de proportionnalité des sanctions sportives et surtout clarifier et modérer l'application des règles posées par la FFF, dans le cas d'un changement de club du joueur concerné.

Le cabinet accompagne à Lille, dans les Hauts de France et partout en France ses clients, sportifs et clubs, devant l'ensemble des instances fédérales, le CNOSF et les juridictions administratives.