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Les mécanismes de rétribution de la formation
prévus par la Charte du Football Professionnel


Publié le
Par Hadrien Flamant

Droit du sport - FIFA - TAS - Contentieux administratif

Sous réserve que le club détenteur de l'enregistrement du joueur en formation ait formulé une proposition de contrat avant le 30 avril, prévoyant une rémunération annuelle fixe au moins égale à celle du contrat en cours, et que le joueur ait refusé cette proposition, des indemnités de formation seront dues au club quitté.

Ce mécanisme se décompose en deux parties principales, a) l'indemnité de formation, et b) l'indemnité de valorisation de la formation, le b) étant lui-même décomposé en plusieurs parties.

a) Le mécanisme de l'indemnité de formation

Le mécanisme de l'indemnité de formation prévue à l'article 261-2 a)" est largement inspiré de l'indemnité de formation FIFA, étudiée précédemment, applicable sur la période entre 12 et 20 ans, selon les critères suivants :

  • Catégorie 1 : 90 000 Euros par année
  • Catégorie 2 (centres de formation classés en catégorie 2A ou 2B) : 60 000 Euros par année
  • Catégorie 3 (centres de formation classés en catégorie 2C) : 30 000 Euros par année
  • Catégorie 4 (clubs à statut professionnel sans centre de formation agréé) : 10 000 Euros par année

Au même titre que pour l'indemnité de formation FIFA, pour les années entre 12 et 15 ans, l'indemnité est plafonnée à 10 000 euros par année.

b) Le mécanisme de l'indemnité de valorisation de la formation

L'indemnité de valorisation de la formation est quant à elle une innovation française, n'étant pas prévue par les textes de la FIFA.

Elle se décompose en plusieurs parties, principalement relatives à la performance du joueur, puis à la poursuite de sa carrière.

Sur la performance du joueur (261-2.b.1)

Le point b1 prévoit le versement d'indemnités au(x) club(s) quitté(s) dès lors que le joueur performe, par la voie de ses apparitions en sélections nationales ou en Ligue 1 :

  • A la 3e sélection nationale officielle en U19 ou U20 (les deux pouvant se cumuler pour arriver à trois sélections nationales) : 200.000 euros
  • A la 1e sélection Espoirs ou après 30 participations effectives en championnat de Ligue 1 : 400.000 euros
  • A la 1e sélection en Equipe nationale A : 600.000 euros
  • A la 2e sélection en Equipe nationale A : 400.000 euros
  • A la 3e sélection en Equipe nationale A : 200.000 euros

Etant entendu qu'une « sélection » est la participation effective du joueur (entrée sur le terrain) lors d'une rencontre officielle de son équipe nationale.

Enfin, ces indemnités prévues au point b1 sont cumulatives, bien que plafonnées à 1.500.000 euros.

Sur la carrière du joueur (261-2.b.2)

Le b2 concerne quant à lui la suite de la carrière du joueur, et est décomposé en deux parties, prévoyant des paiements lors de deux évènements distincts : des indemnités seront dues par le nouveau club lorsqu'il prolongera le contrat du joueur, et lorsqu'il transfèrera définitivement le joueur.

Pour chaque prolongation de la durée du contrat du joueur avant la fin de la saison de son 23e anniversaire, le nouveau club devra s'acquitter auprès de l'ancien club d'une indemnité égale à 12 mois du salaire mensuel brut moyen (primes fixes comprises) du nouveau contrat homologué signé avec le joueur.

Calcul : totalité des salaires mensuels bruts fixes du nouveau contrat (y compris les primes fixes non aléatoires) divisé par le nombre de mois de la durée du nouveau contrat.

Aussi, en cas de mutation définitive en France ou à l'étranger, le nouveau club (à l'origine de la mutation) devra s'acquitter au club quitté d'une indemnité égale à 20% du montant HT de l'indemnité de mutation reçue.

Le texte précise que les sommes dues et/ou payées au titre du b1 (la performance du joueur) seront déduites des sommes dues au titre du b2 (la suite de la carrière du joueur).

Les sommes versées au titre de la prolongation du joueur, ne sont pas déduites des sommes versées en cas de mutation subséquente.

Enfin, des sanctions sont prévues en cas de non-respect des dispositions prévues par le texte :

  • Majoration du montant de 5% en cas de paiement entre le 31e et le 90e jour suivant la réception de la facture émise par l'ancien club suite à la survenance du fait générateur de l'indemnité
  • Retrait de 1 à 3 points dans le cadre du championnat en cas de non-paiement des indemnités au-delà du 91e jour.

Sur la conformité du système français au droit européen

La libre circulation des travailleurs est l'un des principes fondateurs de l'Union Européenne. Inscrit à l'article 45 du traité sur le fonctionnement de l'Union Européenne (TFUE) et constitue un droit fondamental des travailleurs.

Et, aux termes de l'arrêt dit « Bernard », la Cour de Justice de l'Union Européenne, faisant application du TFUE, ne s'est pas opposée à un système d'indemnisation des clubs formateurs, et ce, « afin de réaliser l'objectif consistant à encourager le recrutement et la formation des jeunes joueurs, garantit l'indemnisation du club formateur dans le cas où le jeune joueur signe, à l'issue de sa période de formation, un contrat de joueur professionnel (dans le cas d'espèce, avec un club d'un autre Etat membre), à condition que ce système soit apte à garantir la réalisation dudit objectif et qu'il n'aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif ».

L'arrêt ajoute que n'est « pas nécessaire pour garantir la réalisation dudit objectif un régime tel que celui en cause au principal, selon lequel un joueur « espoir » qui signe, à l'issue de sa période de formation, un contrat de joueur professionnel avec un club (dans le cas d'espèce, d'un autre Etat membre), s'expose à une condamnation à des dommages-intérêts dont le montant est sans rapport avec les coûts réels de formation ».

Si l'indemnité prévue à l'article 261-2 a) pose déjà question (les montants prévus sont-ils réellement en lien avec les coûts de formation ?), l'article 261-2 b), le point b) du même article ne fait aucun doute quant à son décalage avec les principes posés par le TFUE.

En effet, un club ayant d'ores et déjà versé plusieurs centaines de milliers d'euros indemnités au titre du point a) pourrait être susceptible de verser à l'ancien club du joueur des indemnités de valorisation pour un montant de 1.500.000€ au titre de la performance du joueur (sélections, Ligue 1), puis une nouvelle indemnité en cas de prolongation du joueur, puis un droit de suite de 20% en cas de mutation. Bien que les sommes dues au titre de la performance soient déduites de celles dues au titre de la poursuite de la carrière du joueur (prolongation et mutation), une mutation du joueur pour un montant important pourrait aisément donner lieu à un versement de plusieurs millions d'euros, qui n'aurait en rien le caractère de rétribution de la formation.

Ainsi, la proportionnalité du mécanisme prévu par la Charte du Football Professionnel avec les coûts réels de la formation du joueur pose réellement problème.

Bien que l'arrêt Bernard traite d'une condamnation du joueur (personnellement) au versement de dommages et intérêts, le principe reste identique : le système freine assurément la progression et la circulation des joueurs :

  • Un club en difficulté financière ayant auparavant « récupéré » un joueur suite à un refus de proposition de contrat formulée par son ancien club aurait-il réellement intérêt à aligner ce joueur pour son 30e match de Ligue 1 ?
  • Un club souhaitant prolonger le contrat ce joueur devra intégrer l'indemnité de valorisation de la formation dans le budget alloué à cette prolongation, atténuant ainsi la part du budget prévue pour la rémunération du joueur
  • Un club souhaitant transférer ce joueur à l'étranger gonflera son prix afin d'amortir les 20% prévus par l'indemnité de valorisation de la formation, pouvant ainsi restreindre ses possibilités de transfert.

Bien que la réponse soit déjà toute indiquée, de tels montants sont-ils en corrélation avec ce qui est nécessaire pour atteindre l'objectif d'encouragement de la formation des jeunes joueurs ? Le tout, lorsque le club débiteur aura parfois recruté le joueur tôt, et l'aura lui-même formé et valorisé.